Gomorra

Autant jeter de saines bases tout de suite : je suis italienne. Voilà la question identitaire classée, cela devrait faire plaisir à certains ; cela devrait aussi vous empêcher de croire que les commentaires qui suivent sont ceux d'une chauvine française essuyant ses pieds sur les tristes réalités transalpines.

En revanche, cela pourrait aussi justifier les rares mots doux que je réussirais peut-être à placer dans ce billet, malgré l'invraisemblable cruauté du film Gomorra, de la mafia. Alors certes, le film dépeint la mafia (Camorra) solidement enracinée dans tous les coins et recoins de Naples et alentours, mais cela pourrait tout aussi bien être n'importe quelle mafia, entendue comme une organisation criminelle aux ramifications internationales, planétaires, sidérales (suivez particulièrement l'histoire du petit tailleur talentueux, elle est révélatrice). Elle se penche sur votre berceau dès votre naissance si vous avez la chance d'être mal né dans une de ces zones de non-droit caractérisées par la poussée de barres labyrinthiques ; elle vous promet alors protection et richesse - si vous ne respectez pas ses règles en revanche, c'en est fini pour vous, quel que soit votre âge.

Reine du grand banditisme, elle avance masquée sous couvert de légitimité et remplace ainsi les réseaux officiels, l'Etat, s'imposant comme la seule loi, la seule autorité.

Le danger de la diffusion du film à l'étranger, je l'ai testé pour vous : certains spectateurs n'ayant jamais mis les pieds en Italie m'ont assaillie de questions. Extraits : "Ah, mais je ne savais pas que c'était comme ça en Italie". "Tout le monde dit que c'est beau, l'Italie, mais ce n'est pas vrai !" Je vous fait grâce de la suite. Alors forcément, comme pour tout, sans expérience et connaissance, les étiquettes sont vite collées, les nuances gommées et les stéréotypes ont la vie dure - ironiquement, cela va dans les deux sens !

Détruit le cliché du pays de la dolce vita : l'Italie est intimement façonnée et balafrée par la mafia - et le présent de l'indicatif n'est pas un hasard dans ma phrase. Oui, l'Italie c'est aussi ça et peut-être même pire. Pour s'en rendre compte, ce film est essentiel, sans chichis et d'un réalisme saisissant de cruauté quotidienne. A voir. Absolument.

Tout comme l'Italie. A voir. Absolument.

P.S. Le film est l'adaptation du livre de Roberto Saviano dont la tête a été mise à prix par la mafia.


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